NARBONNE-PLAGE mai 2010
Rencontres poétiques mensuelles sur un thème en rapport avec l’ouvrage de l’invité de Marie-Andrée Balbastre. Nous terminons autour d’un apéritif-buffet où chacun apporte un plat, un gâteau, une boisson à partager…
« Rendez-vous chez moi à 15h30″ avait écrit MA.
Cela devient une habitude: la confection de deux cakes salés: un pour les copains poètes et l’autre pour mon mari. La recette varie d’un mois sur l’autre au grès de ma fantaisie ou de ce que contient le réfrigérateur: gruyère ou tome de brebis ( avec celui de chèvre, c’est pas mal non plus), olives vertes ou noires ( ou les deux), tomates séchées, noisettes, dés de jambon, herbes, bâtonnets de poivrons, carottes, haricots verts cuits à la vapeur… Leur parfum croustillant envahit la maison et anticipe le plaisir à venir. J’en connais qui vont se régaler ce soir!
Programme: en première partie: nos textes ( écrits sur le thème des animaux, poèmes, fables…). Seconde partie: conférence de Francis Crespin fabuliste, poète, auteur de plusieurs livres). » As-tu composé quelque chose à propos de la marée noire, des oiseaux mazoutés? La Louisiane est au cœur de l’actualité? » m’a demandé MA. » Non, répondis-je, je n’ai rien à ce sujet. Cela fait bientôt trois semaines que la Muse m’abandonne. Heureusement que j’ai quelques poèmes en réserve. » Après avoir vérifié si tout était en ordre, un dernier regard au maquillage, me voilà prête. Pas encore bien familiarisée avec la nouvelle voiture, je pars à 15h10 pour éviter la pression. « Red Flat » ronronne doucement. La conduite douce, très souple est agréable. Cela me change de ma vieille skoda, si fidèle pourtant malgré son âge canonique. En arrivant, je me gare près de la piscine. Le petit chemin bordé de hauts murs en pierres sèches qui passe devant chez MA, m’impressionne trop. Pas question de risquer un accroc à la belle robe rouge de ma petite merveille. C’est donc à pieds que j’arrive pile-poil à l’heure du rendez-vous. « Coucou, c’est moi! ». Bisous… MA appelle son mari qui aujourd’hui porte la « casquette » de chauffeur. Une courte attente qui me permet d’admirer leur splendide glycine colonisant presque entièrement la pergola. Ses tresses blanc/parme se balancent mollement. Les taches d’iris, giroflées… éclairent l’immensité tendre de la pelouse. Un merle vole en rase-mottes, poussant un cri effrayé. Pas de chansons. Le temps est trop froid. G… nous invite à monter dans son carrosse, manœuvre avec aisance en rasant les pierres des murs et c’est parti. Direction la mer avec un arrêt pour prendre au passage Jeannine( poète et artiste-peintre). G… parle peu, concentré sur la conduite. Derrière J… et moi nous nous exclamons sur l’exubérance flamboyante des coquelicots. Il suffit d’un talus abrupt bien ensoleillé ou d’une jachère près d’une pinède pour qu’ils explosent de joie rayonnante. Nous regrettons cette bouderie de Phébus qui nous prive de superbes contrastes. Passé les encombrements de Narbonne, voici le Massif de la Clape qui se profile. J’attire l’attention de mes copines sur l’élégance éblouissante des aigrettes pataugeant dans un petit marais. La traversée est plaisante malgré les plaies toujours visibles de la fameuse tempête de l’an dernier. Nous sortons de la forêt, dominons la mer brouillée, brumeuse puis c’est la plongeon sur la côte, Narbonne-plage et sa mairie-annexe. G… se gare au plus près de l’entrée. Le vent, saturé d’humidité, brasse des monceaux de bourre cotonneuse, blanchâtre. Elle tombe des peupliers en volant paresseusement, monte, descend, tourbillonne , finissant par nous chatouiller le nez. Horrible! Nous nous empressons de transporter paniers pique-nique, guitare, trépied, etc… et nous réfugions dans la salle. Il faut déplacer tables , chaises abandonnées telles que par une précédente réunion.; réorganiser l’espace au goût de MA. Voilà! Tout est prêt. Il est bientôt dix huit heures et… personne à part une chatte furetant un peu partout. Nous tentons de la chasser car son flair la guide vers nos provisions. Puis un poète arrive: c’est Jean-Louis N… Tout de suite MA et lui répètent leur traditionnel duo d’accueil. Quelques accords de guitare et nos chanteurs interprètent » le petit cheval » de Georges Brassens. Le porte s’entrouvre sur un autre poète, puis un autre, suivi d’un trio… Les gens arrivent un figés par le froid. Petit à petit le groupe s’étoffe. Embrassades, plaisanteries réchauffent l’atmosphère. Le coin repas s’enrichit de pizzas, quiches, fromages, gâteaux, bouteilles, etc… Nous n’allons pas nous laisser abattre. Tap! Tap! Tap! MA sonne les trois coups, saisit sa gratte. Sa voix monte , cristalline, soutenue par celle de JL à peine grave, très agréable. Nos chanteurs interprètent « le petit cheval » de G. Brassens. Nous reprenons tous en chœur le célèbre refrain. Dans la foulée, JL nous lit quelques petites histoires d’animaux , assez courtes où l’humour le dispute à la tendresse, tirées des romans de Jules renard ou de Jean Anouilh. Charles trenet ne sera pas oublié lui non plus. Un délice. MA nous invite chacun à notre tour à lui succéder derrière le micro. Pour ma part je propose » Les canards ». Une comparaison entre les cols verts des Hautes Alpes et ceux de Andernos sur le Bassin d’Arcachon: des lieux que je connais très bien. J… Nous sort une nouvelle de son chapeau: une jolie histoire d’araignée. Camille ( Fredolisad), clin d’oeil doux et humoristique, nous raconte ses » dinosaures ». Simon , de sa voix basse et timide, fouille sa mémoire afin de nous déclamer un souvenir émouvant. Un nouveau membre, se nourrissant de l’actualité , nous régale d’un texte drôle, parfois caustique. Un vrai chansonnier. Et d’autres encore, qu’ils me pardonnent de zapper leurs noms, se succèdent avec talent. Certains poètes étant prolixes, guitares et chansons reviennent de temps en temps afin de dynamiser, rythmer. Fin de la première partie. MA se lève, présente Monsieur Crespin, lui offrant de prendre la parole. Cet écrivain, originaire de Lille, très souriant, parle de sa jeunesse, de ses voyages ( trente ans passés au Québec, quelques années en Afrique…), de son désir de retrouver ses racines à l’âge de la retraite. Ses fables sont adorables, malicieuses, vives. D’une voix claire, bien placée, il nous narre trois ou quatre d’entre elles. Ses recueils sont tous illustrés par le même artiste. Des dessins au style fin, amusant, très original se promènent au fil des pages… Mais il se fait tard. Les estomacs grognent, protestent. Des mains tentent de cacher quelques bâillements. MA remercie cet auteur si attrayant, puis nous invite tous à prendre le pot de l’amitié. Après les nourritures spirituelles, voici venu le temps de passer à celles bien terrestres. L’humeur est gaie, très conviviale. Nous sommes tous heureux de nous retrouver, de tenir à l’écart, pour quelques heures, nos soucis. Une guitare reprend du servie. Soudain une pluie de notes très connues survole cette aimable assemblée: le sirtaki, musique du film Zorba le grec. Deux dames tentent de retrouver les pas de cette danse. Mes jambes s’ impatientent, puis les accompagnent avec allégresse. Au début hésitante, puis prenant confiance, hop!, revoilà Martine et 15 printemps. La cadence endiablée rougit sûrement mes joues. Qu’importe. Wouaw! Que c’est chouette! Suis même pas essoufflée! Finalement, comme le vélo, cela ne s’oublie pas et revient au triple galop! La chatte, une fois de plus, profitant du passage de quelqu’un pour entrer, rode, lèche une miette de thon par-ci, quémande un brin de jambon blanc par là… Après un dernier refrain, chacun se prépare à rejoindre ses pénates. Il est tard. Vingt et une heures trente minutes. La pluie accélère le repli général. G… et Marie-Andrée décident d’emprunter l’autoroute pour un retour plus rapide. Mes paupières papillonnent . Difficile de tenir le coup pour embrasser Jeannine lorsque nous la laissons chez elle. Puis c’est mon tour, un quart d’heure après, de retrouver mon petit coquelicot métallique. Un réverbère m’éclaire suffisamment pour glisser la clef dans la serrure. Mais ensuite… heu…voyons… comment allumer les feux de route? Léger tâtonnement… c’est bon » et la lumière fût! »Maintenant, les essuie-glaces? Zut!C’est le lave-glace. J’appuie à l’extrémité de la manette, tente de la baisser, de pousser en avant, en arrière… Zou, de nouveau le lave-glace asperge tout. Ah, pour ça, le pare-brise va être im-pe- cca-ble! Enfin, soulag’ment d’ma part! Les balais vont et viennent bien gentiment. Je me marre toute seule dans le désert silencieux de la nuit. Vivement la maison. La fatigue commence à me tomber sur les épaules, la tête, les réflexes… Vingt trois heures trente: ouf! « Home sweet home »: suis chez moi!
LES CANARDS
Qu’ils soient des Hautes Alpes
Ou bien à Andernos,
Le cou ceint d’une écharpe
Petits chiens cherchant l’os,
Les canards se dandinent.
Volontiers ricaneurs
Sur la glace, ils patinent.
Sur l’étang , les rameurs,
Offent le même spectacle
De comiques disputes,
Poussent un coin-coin qui claque!
Pour un croûton, quelle lutte!
Ils plongent à qui mieux mieux,
Portant haut le croupion,
Plantés comme des pieux
Dans l’ Bassin d’ Arcachon!
Mais font triste mine
Dans l’air de la montagne,
Se gèlent, se ratatinent
Et délaissent leurs compagnes.
Tous ces petits Donald
Réveillent la région,
Courses et cavalcades,
A grands coups de clairon!
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