Oui, qu’y avait-il de l’autre côté du pont? ( cliquez sur les photos pour agrandir, merci)
J’avais beau ne pas m’occuper de la montre, là-haut Phébus se faisait plus présent. De gros glaçons arrivaient de l’inconnu hors de vue, glissaient nonchalamment ,stoppés net par le barrage blanc-bleu de la glace. Cherchant des yeux la percée de l’aller, un mouvement subtil me fit tourner la tête juste à temps. Presque trop tard. Un ragondin nageait tranquille, nullement troublé par ma présence. Trop rapide, il fût vite hors de ma vue.
Chaud fanal lumineux, un buisson de houx me permit de retrouver les marches ronces et orties. Avant de quitter cet univers insensible, ma faim de beauté captura une superbe nature morte. Enroulée sur sa vie évanouie, une feuille irradiait, malgré tout, l’automne en robe de bure. Prisonnière, aimantée à son givre, sa carnation d’argent vieilli était exaltée par l’hiver.
La petite route, vide d’humains, offrait son long ruban verglacé à un colloque de pies. Quel était le motif de leur réunion bruyante? Nul ne le saura jamais car elles s’enfuirent dans un grand froissement d’ailes à mon approche. A leur exemple, Luna s’éclipsa en flou artistique. Ce n’était pas son éclat qui pouvait allonger les faux-semblants , nimber la congère d’une aura menthe ricqlès.
Si Luna fuyait Phébus, moi, je recherchai son lyrisme doré. De l’autre côté de la grand route, l’ancienne voie côtoyait une propriété enclose de véritables « remparts ». L’abandon de son parc résonnait de chansons empennées. Riches partitions musicales bientôt couvertes par celle puissante du Fresquel.
Plus de murmures, de soupirs frissonnants. Ici l’eau bouscule , jaillit triomphante de l’étau glacé. Elle se moque du rictus carnassier sibérien. Pourtant, le fauve aux dents pointues n’abdique pas facilement. Partout s’exprime sa fantaisie polaire.
Excitée, le cœur gonflé de joie, ma quête se poursuivit, friande de trésors…
L’artisan d’art immémorial rivalisait d’imagination avec lui-même. La moindre brindille, le cuir grenu défeuillé des platanes, les osselets corsetés de sorbet du barrage, tout était prétexte à sculpter, marteler, modeler la fluidité vert amande…
Le soleil réveillait, sublimait des gouttelettes suspendues dans leur course, amalgamées en grappes translucides pour des vendanges fantasmagoriques … Parfois, immobile, à l’écoute, j’ouvrais grand mes arcanes à ce mystère bruissant, grondant, cascadant, virevoltant et mourant aux lèvres gercées du rivage.
Étirant sa langueur,
Griffonne, sans vigueur.
Sur parchemin banquise,
Entrelacs et gelures,
Ébauchent, exquise,
Une errance mercure..
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