Narbonne-plage! Dernier rendez-vous Terpsichore avant l’Été, sous le signe de la chaleur… l’Afrique… le Maroc…
J’attends Marie-Andrée et son mari derrière ma fenêtre. Il pleut; pas très engageant ce temps. Le jardin, lui, respire d’aise, boit cette provende avec avidité. Un escargot étire sa précipitation vers un pissenlit. Pas grave. Du moment où il ne se fait pas les dents sur mes dahlias, rien à redire. Ronronnement d’un moteur… les voici! » Bonjour! » Mes poèmes, mon cake et moi, nous installons en compagnie d’un chevalet en bois.MA propose aux membres de l’association ( plusieurs sont artistes) d’exposer peintures, photos, sculptures en accord avec le thème. En avril, le sujet était « La Femme » dans l’œuvre de Christine Clairmont. J’avais apporté plusieurs toiles: une déclinaison de ma « femme vigne ». Mais ce soir, aucun de mes tableaux ne convient. Les larmes du ciel noient le paysage d’un flou mélancolique. MA et G… décident de prendre l’autoroute. Choix judicieux. A quoi bon suivre le chemin des écoliers. Il n’y a rien à voir, personne d’autre à prendre au passage… Passé Narbonne, voici le Massif de La Clape. Aucune lassitude pour cette jolie route serpentant entre aiguilles et genêts, même sous la pluie. Les pins font le gros dos sous les rafales, se raréfient… la garrigue moutonne jusqu’au sommet et.. c’est le choc! Jamais blasée, je découvre l’horizon, ces bleus merveilleux… pailletés d’argent: la Méditerranée… une bouffée d’évasion, d’inconnu iodé… d’images exotiques…
G.. nous laisse, MA et moi, à la salle Henri de Monfreid. Nous déplaçons tables et chaises à notre convenance… bientôt rejointes par l’invité d’honneur: Patrick Hierard. Tandis qu’il s’installe, MA lui décrit le déroulement de la soirée. Puis elle sort s’enquérir auprès d’un responsable, d’un écran pour le diaporama du conférencier. La tête d’Élisabeth passe timidement par l’entrebâillement de la porte: » Il y a quelqu’un? »… devançant Danielle chargée de matériel. Voici la grande silhouette de Ruppert, portant beau dans son kilt… Jean-Louis amène la chaleur de son sourire… précédant Simon et sa charmante femme… Voici Hélène, chargée comme un mulet de sacs et panier… Les premiers poètes sont un peu longs à venir… finalement Marie-Andrée décide de démarrer devant une quinzaine de personnes… Petit à petit la salle continue de se remplir… » Jean-Louis! A toi l’honneur! » JL ouvre un livre de poche ( petit soutien pour sa mémoire) puis, nous offre, a cappella, la chanson de Barbara » Les voyages ». Applaudissements nourris! MA se tourne vers moi: » Martine? Tu as quelque chose sur le Maroc… le désert? » » Oui, j’ai quelque chose mais c’est sur le Sénégal. » Le micro accueille la confidence de mon souvenir, avec toujours un nœud au ventre lorsque cela touche à l’enfance, la famille… Simon prend ma suite en demandant à interpréter « Adieu mon pays » d’Enrico Macias. ( texte déposé un partout sur les sièges). Sa voix s’élève, voilée, un peu tremblante. Touchant. Dans la foulée, il nous récite « El Maktoub ». Le regard perdu au-dessus de nous, il vit son texte, s’évade dans le Passé… L’émotion passe… Clap! clap! clap! clap! chaleureux! Lui succèdent Nadja qui nous raconte joliment un de ses nombreux voyages en Orient… Yoam s’avance à son tour… tranquille… cool dans sa façon de se vêtir un peu ethnique, de se mouvoir, de parler… Face à la salle, il nous regarde… lentement… tous… en se taisant… de sa barbe jaillit soudain un conseil: » Attention, l’abus d’alcool nuit à la santé » ( il est habituel de ce genre d’introduction:)) … après une ou deux phrases, il enchaîne en racontant son voyage à Édimbourg… sa rencontre avec la sagesse Soufi… l’apparition d’un écureuil qui semble l’attendre, lui indiquer un chemin… vers un lieu ancien, surprenant, où il assiste au Lever du soleil… cette majesté, la sensation de bien-être… toucher à la paix universelle… Une improvisation passionnante et si poétique… Jean-François lit un de ses textes… Hélène nous émeut par son magnifique » Tu étais noir et j’étais blanche »… Léonard nous conte sa nostalgie de ses années en Algérie… Élisabeth nous décrit le périple de sa famille; nous fait un petit rappel historique à propos de Massada ( petit rappel sur lequel rebondit Bernard le guitariste, par des détails et anecdotes passionnants). C’est aussi le titre de son poème qu’elle nous lit d’une voix douce… texte aussi coloré que ses toiles. Christian, quant à lui, poète très sensible au sens caché des choses,
nous captive avant de laisser la parole à Alain qui nous enchante de son » Dis-moi ton nom Tunisie ». Toutes ces lectures sont entrecoupées de poses musicales. Marie-Andrée et Jean-Louis ,nous offrent le traditionnel duo d’ouverture avec « Adieu à mon pays » que nous reprenons tous en cœur… Danielle gratte et cascade ses notes, nous chante, magistrale, « la Mer rouge » de Gérard Manset. Extraordinaire! On croirait que c’est créé pour elle. Grande première à Narbonne-plage! Ce sera la chanson fétiche de la Salle Henri de Monfreid. Bernard, très talentueux, nous propose une de ses chansons » randonnée Haut Atlas ». Superbe! Il est temps de clore la première partie et de présenter l’invité d’honneur. Après quelques mots MA lui laisse la place. Patrick Hierard pianote sur le clavier de son ordinateur portable, lance le diaporama… nous raconte l’histoire incroyable de son père. Une vie si riche qu’il décida d’écrire un livre en hommage:
Je cite la quatrième de couverture du livre de l’auteur : éditions du Masque d’or:
« Quand je serai grand, je ferai Berbère »
« Laissez-vous entraîner par la saga de Maurice, l’orphelin de Lorraine, qui débarque à 18 ans au Maroc en 1926 pour y mater la révolte des tribus d’Abdel Krim, mais Maurice déteste cette guerre coloniale. Suivez-le quand il s’opposera malgré lui, ce sont les ordres de Vichy, à l’armée américaine de Patton qui débarque au Maroc pendant la seconde guerre mondiale.
Il aime passionnément le Maroc, mais Maurice sera pris dans la tourmente de ce pays qui cherche son indépendance. Meurtres sauvages d’Européens, réponse tribale de l’armée française et c’est l’engrenage dramatique. Il échappera à des attentats; il ne vivra qu’avec son révolver et sa grenade dans la poche. Le calme revient. Maurice trouve sa voix au Sud marocain en aidant les fellahs à développer leur agriculture. Il est aimé et respecté Maurice. C’est sûr, il mourra au Maroc. 1965: le retour mystérieux vers la France: il découvre l’affreux nom de « rapatriés ». Il est étranger dans son propre pays. Maurice, à 60 ans se retrouve perdu en Ariège dans le village de Serres sur Arget… C’est le dur apprentissage du mot: » rapatrié Pied Noir ». L’accueil des Français est plutôt frais. Maurice et sa famille souffrent en silence, veulent s’intégrer… encore une fois! Patrick , son jeune fils de 12 ans , se souvient. Il raconte ses souvenirs de gosse heureux au Maroc… tandis qu’en France, ce sont: les moutons de Layrole… la transhumance à la Dévèze… Serres sur Arget et les dernières boutiques du village, l’épicerie, le bureau de tabac.. l’école communale Lakanal et son instituteur.. la Mouline… les batailles de soldats de plomb avec son ami Alain… les séances de TV chez Nine (le dernier café)… Balmajou, Alzen… les foins avec les agriculteurs de la région… L’enfant se désagrège! A Foix, le CEG, le CES Lauquier… les relations difficiles avec les maquignons du champ de mars… La vie passe… L’enfant grandit… Qui va le sauver? »
La soirée se termine très conviviale autour des boissons et plats apportés par chacun. Les rires et bavardages sont parfois couverts par les notes de guitare de Bernard. Alain fête aussi son anniversaire. Sa femme lui chante au micro, d’une voix claire et fine, la chanson de Nicole Rieu » La goutte d’eau ». Moment d’émotion partagé en comité restreint. La plupart des gens sont partis et… nous allons faire de même…
UN SOIR
Le rideau tombe soudainement
Sur cette scène,
Ce théâtre,
D’une plage Sénégalaise.
Quelques badauds,
Flânent, éblouis,
Auréolés d’or flamboyant.
Je lâche la main
De ma mère,
Effraie les mouettes et goélands…
Le clapotis
D’encre bleu-nuit
Résonne sous le débarcadère.
Entre les planches,
L’eau m’impressionne,
Mouvance sombre,éclats rubis.
Brise marine,
Âcres relents,
Épousent l’odeur des arachides.
Le bois blanchi,
Chaud de soleil,
M’offre des trésors de cacahuètes.
Cris d’enfants noirs,
Aux sourires blancs,
Petits dauphins sautent les vagues.
A l’horizon…
L’astre se couche…
Dans la soie de mes souvenirs…
MMR ( tous droits réservés)
Je remercie Marie-Andrée pour ses renseignements complémentaires sur les participants et leurs textes. Merci également à Bernard M… poète et webmaster du site Terpsichore pour le gros travail de présentation des poèmes sur les superbes photos de MA.