Les voyages immobiles… … de Martine Madelaine-Richard

15 juin 2025

L’intrigue pour gouvernail

Filed under: l'herbier de poésie — Étiquettes : , , , , , , , — Martine @ 3 h 21 min

Pour la page 246 de  L’Herbier de poésies, Adamante, nous propose d’écrire en nous inspirant de son image ci-dessous:

Lubin et Auriane *, libérés de leur punition, profitent  à plein de leur liberté retrouvée. Ce ne sont pas les idées qui manquent pour s’amuser. Face à la ferme, la vaste cour encombrée offre maint repaires, abris et refuges pour l’indémodable jeu de cache-cache. Auriane, plus souple que son frère, peut se faufiler dans les recoins minuscules lui permettant de gagner presque à tous les coups. Ce qui fait bisquer son jumeau. Quelle jubilation pour la petite fille!

– Mauvais perdant! se moque-t-elle réjouie.

– Pfft! C’est même pas vrai!, se défend-t-il, boudeur.

– Allez! Ne fais pas ta mauvaise tête! A toi de choisir maintenant.

Rasséréné, car au fond, c’est une heureuse nature, Lubin propose de jouer au ballon. Auriane approuve tout sourire. Rapide, agile, elle espère bien triompher là aussi.

L’objet est plutôt rudimentaire.  Un jour particulièrement pluvieux, rendant le travail à l’extérieur impossible, leur père le fabriqua en assemblant quelques bouts d’un cuir usé. Il le bourra de foin sec, tassa le plus possible, consolida la sphère obtenue de quelques tours de ficelle, puis tendit le résultat aux enfants fous de joie.  Depuis lors, cette « balle » leur permet de se défouler, de dépenser leur trop plein d’énergie. Surtout après une journée telle que celle-ci à rester sagement cloitrés dans la maison.

.

Fin d’après-midi-

plus rapides que le vent

enfants déchainés

.

A toi! A moi! Les jumeaux se disputent la boule aux coutures irrégulières d’où s’évadent quelques brins d’herbes.  Le chien, surnommé Touffu,  n’est pas en reste pour participer en sautant et aboyant.  Soudain la balle fuse à une vitesse folle s’en allant heurter violemment l’arbre desséché à l’autre bout de la cour. Un AÏE!  caverneux jaillit de l’être moribond. Stupéfaits et intrigués, les enfants s’approchent et examinent, perplexes,  le tronc crevassé. L’intrépide Touffu  vient renifler la base de ce dernier, puis, estimant le danger négligeable, l’arrose avec indifférence.

– Y-a quelqu’un là-dedans? demande hardiment Lubin.

– Oui, gronde une voix mystérieuse, en même temps qu’apparaît un étrange visage noir d’encre, coiffé d’une feuille sèche.

– Lubin, ce n’est pas prudent. Ne t’approche pas trop, murmure nerveusement sa sœur.

– Qui es-tu? Comment es-tu entré dans l’arbre? questionne le garçonnet sans se préoccuper du conseil de sa jumelle.

– Je suis victime d’un sort lancé par le sorcier Bérard le nécromant.

– Nécro… quoi?

– Nécromant. C’est trop compliqué à expliquer à un enfant. Sache seulement que cet homme est cruel et redoutable.

– Ahi!** compatit Lubin.  Comment t’aider à sortir de là?

– Ce n’est pas à ta portée. Seul le vieux sage du chêne Rouvre en est capable. Le connais-tu?

– Moi, non. Mais notre père peut-être. Il sait tout.  C’est le plus fort du monde! Conclut-il avec fierté.

Lassé et sceptique, l’inconnu ne répond pas.

Excités par ce tour étrange que prend leur journée, les bessons filent aussitôt quérir les bons offices de leur géniteur.

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Le soleil descend

et la tension grimpe en flèche-

jeux et tremblements

deux enfants, un chien tout fou

l’intrigue pour gouvernail

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MMR ( tous droits réservés)

* dont j’ai déjà parlé ICI et ICI

** Ahi: exclamation médiévale exprimant l’embarras ou l’empathie.

8 décembre 2024

Fenêtre sur… ailleurs

Pour la page 240 de l’Herbier de poésies, Adamante nous propose d’écrire sur une photo d’ABC

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Ils étaient deux, un frère et une sœur. Même forme de visage, de regard, de sourire, de chevelure identique tirée en arrière. Il était extrêmement difficile de les différencier : des jumeaux.

Toujours collés l’un à l’autre, là où Lubin allait, Auriane suivait. Ce jour-là, pétri d’ennui, le duo regardait par la fenêtre. La matinée était déjà largement entamée. Le soleil, débordant la cime des arbres de la forêt toute proche, commençait à pénétrer dans la pièce. Ils soupirèrent de concert. Que faire ? Leurs parents étaient partis très tôt, le père pour bucheronner, la mère pour cueillir baies et plantes médicinales.

— Surtout ne sortez pas ! J’ai aperçu un loup hier. Il n’est certainement pas seul. Aussi, restez à l’abri ! avait intimé le père.

— Mes petits, avait ajouté la mère, soyez obéissants. Promettez-moi d’êtres sages. Je partirais plus tranquille. 

— Promis maman ! Avaient déclaré d’une seule voix les bessons*

À demi rassurée, la femme les avait serrés très fort contre sa large poitrine, puis avait suivi son mari, tout en leur jetant un dernier sourire tremblant. Elle connaissait par cœur le caractère fantasque et indiscipliné de sa progéniture.

Soudain, le nez plaqué à la vitre, Lubin se met à embuer celle-ci puis y dessiner d’étranges figures toutes en poils et en cornes torsadées.

— C’est quoi ? S’informe sa jumelle.

— Des licornes, répond son frère.

— Pourquoi ?

— Parce que j’espère que mon dessin va les intriguer et les faire venir.

— Ah ? Mais ça n’existe pas ces bêtes-là ! C’est papa qui l’a dit.

— L’une d’elles m’a visité en rêve et m’a expliqué comment l’aider à apparaître.

— Eh bien moi, je ne crois que ce que je vois.

— Alors attends et sois patiente. Je suis sûr que ça va marcher, affirme du haut de ses dix ans son ainé de quelques minutes

Puis Lubin se met à murmurer entre ses dents des mots bizarres. Intriguée Auriane l’écoute tout en scrutant l’orée touffue de la sylve. Les secondes succèdent aux secondes usant le calme de la petite fille. Tout à coup, une lumière éblouissante surgit de nulle part au milieu de la clairière. En son centre une forme  mouvante bourgeonne, se tordant et distordant sans cesse. Les jumeaux bouche-bée contemplent l’étrange apparition. Dans un flot de particules or et azur, l’image se stabilise : C’est une licorne. Caracolant joyeusement, cette dernière agite sa longue crinière blanche, comme pour les inviter à la retrouver. Les deux polissons se regardent, hochent la tête de concert, pour finalement se précipiter dehors. Oubliées les recommandations parentales. L’aventure les tient bien ficelés à elle et les entraîne à dos de cheval extraordinaire.

Matin assommant-

Deux enfants indociles

Et la clef d’un conte

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MMR ( tous droits réservés)

* Besson : synonyme de jumeau

Merci pour tous vos commentaires qui font vivre ce blog. Je les lis toujours avec un immense plaisir 🙂

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