Les voyages immobiles… … de Martine Madelaine-Richard

8 décembre 2024

Fenêtre sur… ailleurs

Pour la page 240 de l’Herbier de poésies, Adamante nous propose d’écrire sur une photo d’ABC

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Ils étaient deux, un frère et une sœur. Même forme de visage, de regard, de sourire, de chevelure identique tirée en arrière. Il était extrêmement difficile de les différencier : des jumeaux.

Toujours collés l’un à l’autre, là où Lubin allait, Auriane suivait. Ce jour-là, pétri d’ennui, le duo regardait par la fenêtre. La matinée était déjà largement entamée. Le soleil, débordant la cime des arbres de la forêt toute proche, commençait à pénétrer dans la pièce. Ils soupirèrent de concert. Que faire ? Leurs parents étaient partis très tôt, le père pour bucheronner, la mère pour cueillir baies et plantes médicinales.

— Surtout ne sortez pas ! J’ai aperçu un loup hier. Il n’est certainement pas seul. Aussi, restez à l’abri ! avait intimé le père.

— Mes petits, avait ajouté la mère, soyez obéissants. Promettez-moi d’êtres sages. Je partirais plus tranquille. 

— Promis maman ! Avaient déclaré d’une seule voix les bessons*

À demi rassurée, la femme les avait serrés très fort contre sa large poitrine, puis avait suivi son mari, tout en leur jetant un dernier sourire tremblant. Elle connaissait par cœur le caractère fantasque et indiscipliné de sa progéniture.

Soudain, le nez plaqué à la vitre, Lubin se met à embuer celle-ci puis y dessiner d’étranges figures toutes en poils et en cornes torsadées.

— C’est quoi ? S’informe sa jumelle.

— Des licornes, répond son frère.

— Pourquoi ?

— Parce que j’espère que mon dessin va les intriguer et les faire venir.

— Ah ? Mais ça n’existe pas ces bêtes-là ! C’est papa qui l’a dit.

— L’une d’elles m’a visité en rêve et m’a expliqué comment l’aider à apparaître.

— Eh bien moi, je ne crois que ce que je vois.

— Alors attends et sois patiente. Je suis sûr que ça va marcher, affirme du haut de ses dix ans son ainé de quelques minutes

Puis Lubin se met à murmurer entre ses dents des mots bizarres. Intriguée Auriane l’écoute tout en scrutant l’orée touffue de la sylve. Les secondes succèdent aux secondes usant le calme de la petite fille. Tout à coup, une lumière éblouissante surgit de nulle part au milieu de la clairière. En son centre une forme  mouvante bourgeonne, se tordant et distordant sans cesse. Les jumeaux bouche-bée contemplent l’étrange apparition. Dans un flot de particules or et azur, l’image se stabilise : C’est une licorne. Caracolant joyeusement, cette dernière agite sa longue crinière blanche, comme pour les inviter à la retrouver. Les deux polissons se regardent, hochent la tête de concert, pour finalement se précipiter dehors. Oubliées les recommandations parentales. L’aventure les tient bien ficelés à elle et les entraîne à dos de cheval extraordinaire.

Matin assommant-

Deux enfants indociles

Et la clef d’un conte

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MMR ( tous droits réservés)

* Besson : synonyme de jumeau

Merci pour tous vos commentaires qui font vivre ce blog. Je les lis toujours avec un immense plaisir 🙂

3 mars 2024

Balade océane

Pour l’Herbier de poésie, ICI  Adamante, ICI, nous propose d’écrire sur une photo de Jeanne FADOSI

 

C’est une matinée de septembre où le soleil éclabousse toute la région d’une multitude de gouttes d’or. Ces dernières s’entremêlent merveilleusement à celles iodées de l’eau de mer.

Nous sommes dans un maison forestière nichée au cœur de deux hectares de pinède, à une soixante de mètres de la plage du Bassin d’Arcachon. Il est tôt. Sa Majesté Phébus n’a pas encore vaporisé la rosée de la nuit.  Les notes parfumées des arbres, du varech, de l’humus, des fleurs sauvages viennent s’enrouler autour de moi, me soufflant:  » Viens… viens… »

Près du portillon, accroché au grillage, un pied de clématite frémit de toutes ces petites graines plumeuses. Mots inaudibles qui viennent soutenir l’invitation sylvestre. Il n’en faut pas plus pour m’entraîner sur le tapis épais des aiguilles de pins.

Entre les jeux de l’ombre et de la lumière apparaissent et disparaissent tour à tour, l’éclat fuchsia des bruyères, le vert acide des fougères derniers nées. Majoritaires, leurs ainées montrent les signes avant coureur de l’automne. Ici, son pinceau combine un jaune vif à un vert profond. Là, elle panache orange et roux. Ailleurs, elle s’emballe saupoudrant toutes les frondes de bruns profonds. Plus je m’enfonce dans la forêt, plus les odeurs me capturent, m’envoûtent. Celle des champignons rivalise avec les fragrances fraîches des mousses que ma flânerie écrase. La montée de la chaleur anime le sous-bois. Les sifflets et vocalises répondent aux Kraaa! Kraaaa! de trois corneilles résidentes à l’année. De nombreux butineurs s’entrecroisent autour de petites fleurs blanches inconnues, aux lèvres jaune pâle des tubes d’un groupe d’anonymes, près des chapeaux meurtris des russules, cèpes de pins et autre champions divers.  A foison, des arbousiers offrent généreusement clochettes affriolantes et fruits gorgés de sucre à une foule d’amateurs :bourdons, abeilles, mouches, oiseaux… Quelques ronciers ici et là protègent leurs baies noires d’une armée d’épines acérées. Un peu plus loin de profonds boutis* trahissent la quête insatiable des sangliers friands de vers et autres larves. Soudain, un écureuil m’apostrophe, tout fouettant l’air de son superbe panache. D’accord. Je dérange. Il est temps de faire demi-tour.

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Appel de la sylve-

Mouettes, merles, mésanges…

La joie pour compagne

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MMR ( tous droits réservés)

* boutis: le sanglier retourne le sol avec ses défenses et le boutoir (la partie supérieure de son groin). Il peut labourerce dernier jusqu’à  60 cm de profondeur. Son super odorat le guide vers « d’excellents repas ».

20 février 2024

Renga n°1 avec l’Herbier de poésie

Filed under: l'herbier de poésie — Étiquettes : , , , — Martine @ 7 h 38 min

Ma blogopote Marine D et moi avions écrit un Renga en 2015: ICI

Aujourd’hui, nous récidivons mais, cette fois, à cinq à l’instigation d’Adamante. Avec Marine D, ABC , Françoise, Adamante/l’Herbier

Haïkus ou tankas, un peu au petit bonheur, à notre fantaisie, chacun répondant au précédent. Une série d’échanges excitante et ludique. Merci à Adamante et aux brins de l’Herbier de poésie:

 

1 – Marine

Nous avons trouvé

le jour de Saint Valentin

notre banc public

 

2 – Françoise

Devant un bassin

Tout petit oiseau fiérot

Miroir futile

 

3 – ABC

En reflet dans l’eau
trouver son meilleur profil
l’oiseau charmeur pose

 

4 – Adamante

juste un souffle de vent

le reflet ébouriffé

impermanence

 

5 – Martine

Quiétude moirée-

Zéphyr joue le trouble fête

un poisson bondit

 

6-7 –   Marine

Jeux de ricochets

des ronds concentriques

brouillent mon ciel

         Adamante

Cataracte en petit lit

Grand chamboulement

 

8/9 – ABC

La nuit enrobe

un croissant de lune

la chouette hulule

        Françoise

Odeur d’un chocolat chaud

des pas se font entendre

 

10 Martine

Scène nocturne-

Vif appel des rainettes

sur fond de brouillard

 

L’appeau d’un cacao chaud

Séduction irrésistible

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17 mars 2017

Un long moment de solitude…

Filed under: l'herbier de poésie — Étiquettes : , , , — Martine @ 4 h 35 min

Pour l’Herbier de poésie, Adamante,  ICI , nous propose comme thème ce tableau de Berthe Morisot intitulé « Au bal »

Oh la!la! Ce qu’il fait chaud!  Où est-il passé? Je meurs de soif!   Il en avait soit disant pour une grosse minute.  …gros soupir… Tiens, elle est là celle-là? Vraiment, on accepte n’importe qui dans ce bal.

« Oh, bonjour Mlle Germaine, je ne vous avez pas vue. ( tu parles!)  Il faut dire qu’avec tout ce monde n’est-ce-pas…  Vous êtes très en beauté ce soir ( on dirait un gros sac rose et vert. Beurk!). Vous êtes venue avec votre frère? ( qui est bête à manger du foin soit dit en passant) très bien, très bien. Moi? Oh,non, je ne suis pas seule. Jean-Charles de Méricourt est mon cavalier. Il est allé chercher de quoi nous rafraîchir. Oui, merci. Très aimable. Bonne soirée à vous également…  »

Ouf! Bon débarras. Quel pot de colle! … gros soupir exaspéré… Cette  chaleur va me liquéfier.  Je n’en peux plus. Mais où est-il donc passé? Et ces gants qui n’arrangent rien. C’est peut-être le signe que l’on est une  dame de qualité mais question confort, tu repasseras. Voilà l’orchestre qui joue notre valse à présent.  C’est insupportable à la fin!  Ai-je une tête à tenir la chandelle? Ah il va m’entendre!  Doux Jésus, le vicomte de Trinqueville. Pourvu qu’il ne me voit pas… Aïe! aïe,  il va se retourner…

« Chérie, navrée pour le retard mais il y avait foule au buffet. Voici votre limonade bien fraîche. Vous ne m’en voulez pas trop? »

 » Mais pas du tout Jean-Charles.  On ne s’ennuie pas une seconde.  ( grrrrr)  Ce bal est fort divertissant. ( mis à part les parvenus et autres vieux fossiles)  »

 » Vous êtes un amour ma très tendre. Venez, je crois que c’est notre valse… »

Trali la la la …la la …..

MMR ( tous droits réservés)

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